Nous sommes heureux de recevoir Charles Sanson, Auteur-parolier, qui vient de terminer son premier Roman : « Des rives ». Il y apporte un regard juste et bienveillant sur le monde de la rue et de la toxicomanie.
Dans ce livre, nous découvrons les aventures de Charly, jeune homme issu de la bourgeoisie provinciale, qui peu à peu s’engouffre dans un monde auquel il n’aurait jamais dû avoir à faire.
Dans votre roman vous abordez le milieu difficile de la rue et de ses dangers. Pourquoi avoir choisi ce thème si particulier ?
Si ce livre est un roman, il n’en reste pas moins, que certaines anecdotes sont tirées de ma propre expérience. Il me paraissait donc important de faire découvrir ce monde à ceux qui ne le connaissent pas. J’espère aussi, au travers des mots de Charly, pouvoir éviter à certains jeunes d’y dériver. La rue présente de réels dangers et laisse de nombreuses séquelles.
Ecrire provoque des émotions, parfois complexes, comment avez-vous vécu ce travail ?
Je ne vais pas vous cacher que cela a été parfois compliqué et dur. Ecrire ce livre m’a fait passer par plusieurs phases émotionnelles plus ou moins agréables. Fort heureusement on y retrouve une bonne dose d’humour, ce qui permet d’en alléger le propos. Mon but n’était pas d’en faire un roman moralisateur ou de donner un point de vue tranché. J’ai plutôt essayé d’exposer des faits et je laisse au public le soin de juger.
Une partie de ce livre correspond à votre vécu. Qu’est-ce qui vous a fait basculer de l’autre côté ?
C’est toute l’intrigue du roman ! Je ne peux pas vous répondre sans spoiler le livre!
Vous dites que cette expérience a balayée certaines de vos certitudes, lesquelles ?
Je pense que cela a remis en question ma notion de bien et de mal. J’ai eu une éducation religieuse et j’étais très attaché à ces valeurs. J’avais un point de vue assez tranché sur la question et me suis vite rendu compte que tout n’était pas blanc ou noir mais bien plus nuancé. J’ai aussi pris conscience que tous ceux qui sont dans la rue n’y sont pas par choix. Que Certains aimeraient s’en sortir mais n’y parviennent pas. Ou que pour d’autres c’est un mode de vie.
Diriez-vous que cela vous a rendu plus tolérant ?
Evidemment oui, mais aussi plus intolérant et plus dur par certains aspects. C’est un milieu impitoyable, qui vous pousse à la déshumanisation. En vivant dans la rue, j’ai constaté de profonds dysfonctionnements dans notre système social, et ce, malgré l’implication de gens assez extraordinaires. Je pense notamment à l’association GAIA qui fait un travail formidable et que je tiens à saluer. Malheureusement les associations ne peuvent pas à elles seules enrailler un phénomène social qui prend de plus en plus l’ampleur. On ne peut pas uniquement continuer à déplacer des gens, sans avoir réelles solutions à leur apporter. Après, je ne suis qu’un auteur, mon rôle n’est pas de juger la politique d’un pays, mais tout de même cela me pose question. C’est ce que j’ai essayé de dire à travers ce roman car il y a quelque chose d’anormal à ce qu’un jeune soit amené à fréquenter un ghetto. Il est temps d’en prendre conscience. J’espère que le regard que je livre, permettra d’avoir une vision plus réelle, bien que dure, de ce milieu.
Vous dites que vous êtes devenu intolérant à certaines choses, sur quel sujet n’avez-vous plus aucune tolérance ?
Pas de tolérance pour une personne qui se droguerait et qui ne chercherait pas à s’en sortir. En revanche je tendrais volontiers la main de celui qui viendrait me voir pour l’aider. Je l’ai fait, je sais que c’est possible. J’espère d’ailleurs que ce roman pourra en aider certains ou leur donner un peu d’espoir.
Au travers de votre personnage, Charly, quel regard portez-vous sur ceux que l’on appelle communément « les gens de la rue » ?
Un regard plus bienveillant qu’il ne l’était auparavant. Plus éclairé aussi sur la situation actuelle que je viens d’évoquer et qui me choque.
On a pour habitude de dire que dans la rue on devient invisible aux yeux des autres, c’est ce que vous avez vécu ?
Oui c’est assez frappant, et c’est vraiment quelque chose qui m’a marqué. Les gens passent sans vous regarder ou alors avec un certain dédain, du mépris, ou encore de la peur. Cela peut être justifié parfois mais c’est aussi ce qui crée un mur, cette fameuse fracture sociale dont on parle si souvent. Cette fracture commence par l’attitude que l’on adopte les uns vis-à-vis des autres, et un sourire, juste cela, peut contribuer à briser ce mur. Lorsque l’on devient invisible, on perd notre humanité. Le plus difficile c’est de garder confiance en soi.
Vous parlez de confiance en soi, comment avez-vous trouvé cette force d’écrire ?
Tout d’abord, je pense que c’était une manière de me libérer d’une histoire un peu trop lourde, mais ce qui m’a vraiment motivé c’est de m’en être sorti. J’ai un devoir moral envers ceux, qui ne sont peut-être même plus de ce monde aujourd’hui, et qui eux ne s’en sont pas remis. Dans ce milieu qu’est la toxicomanie, et parmi ceux qui s’en sortent, il y a peu de témoignages. C’est quelque chose que l’on enfouit au fond de soi, et qu’on préfèrerait oublier. Surtout pour notre entourage, ou les personnes que l‘on a pu blesser sur notre parcours d’addict. Je me suis dit que je devais le faire, c’est ce qui m’a donné la force.
Quelle a été votre rencontre la plus marquante ?
C’est assez difficile à dire. Chaque personne que j’ai rencontrée, chaque manière de voir différente de la mienne, m’ont permis de me construire. Je ne serai probablement pas celui que je suis sans toutes ces personnes que j’ai croisées.
C’est grâce à toutes ces rencontres qu’aujourd’hui je suis vivant et debout. Je suis un survivant (même si je n’aime pas trop ce mot) j’ai eu énormément de chance de tomber sur les bonnes personnes au bon moment, il faut bien l’avouer.
Avez-vous des regrets ?
Des regrets, oui, mais pas de remords. Evidemment, j’aurais pu faire autre chose de ce temps de vie. D’un autre côté, si je n’avais pas vécu cela, ça ne m’aurait pas construit et renforcé autant que je le suis aujourd’hui. Grace à ce parcours, peu de choses me font peur et j’apprécie chaque jour de manière plus intense.
Si on demandait à Charly, votre personnage principal, comment va-t-il ? que répondrait il ?
Il dirait parfaitement bien et heureux d’être là avec vous.
Vous nous en dites un peu plus sur la sortie du livre ?
Je suis actuellement en pourparlers avec une très belle maison d’édition. Je serai fier de les rejoindre si cela se concrétise. Bien entendu je vous tiendrai informés de la date officielle. Si tout se déroule correctement on pourrait imaginer une sortie courant 2021.
Vous souhaitez nous dire un mot sur vos futurs projets ?
J’ai débuté un second roman. Il est actuellement en cours d’écriture. J’ai aussi des projets en tant que parolier avec une artiste dont on entendra parler très vite à la vue de son talent.
Je termine toujours mes interviews en demandant ce qu’est l’art pour vous, alors ?
L’art c’est avoir une idée et réussir à la concrétiser. Sinon cela reste une idée!
Un grand merci Charles Sanson pour ce moment passé en votre compagnie et pour toutes ces confidences. J’avoue que vous nous avez donné très envie de lire les aventures de Charly, et que nous les attendons avec impatience.
A bientôt pour d’autres confidences d’artistes …
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